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ÉCLAIRCISSEMENT

du dieu passait pour rendre à la terre sa fertilité.

Il est fort vraisemblable que Chrétien de Troyes n’était pas instruit du sens païen et secret de ces traits mystérieux qu’il rapportait ; mais on ne saurait l’affirmer absolument, car, en fait, son ouvrage, inachevé, s’arrête peu après la première visite de Perceval au château du Graal, durant laquelle le héros ne songe pas à poser la question mystérieuse, de sorte que le poète n’a pas eu l’occasion de rien expliquer. Son premier continuateur, Wauchier de Denain, ignorait plus certainement encore qu’un mythe occulte se cachait sous ces traits obscurs, car il leur a attribué un curieux sens chrétien : si les vers où il est dit que le Graal est le vase qui reçut le sang de Jésus ne sont apparemment qu’une interpolation dans son poème, du moins il fait de la lance saignante l’arme dont Longin perça le flanc du Christ. Toutefois, c’est Robert de Boron qui, le premier[1], a donné une interprétation chrétienne à tout le récit et complètement christianisé la légende du Graal.

C’était un laïc natif de Boron, non loin de Delle en Franche-Comté. Il eut l’idée de composer une vaste histoire du Graal à laquelle il lia intimement l’histoire de la cour du roi Artus. Vers 1215 peut-être, il écrivit un poème qui fut

  1. Il écrivait peu après Wauchier, mais avant les autres continuateurs de Chrétien.