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ÉCLAIRCISSEMENT

de quelque autre chevalier de la Table ronde par eux inventé ; malheureusement, ils n’ont pas eu son talent, et non seulement leurs récits sont comme les siens d’une cruelle monotonie, mais ils manquent (sauf celui de Wolfram) de ce brillant qui fait tout le mérite de Cligès ou de la Charrette : on y voit presque toujours un jeune chevalier inconnu, récemment arrivé à la cour du roi Artus, s’engager dans une aventure qui se présente et que personne n’ose tenter, l’achever heureusement et épouser une fille de roi ; c’est le poncif romanesque du temps. Ainsi sont Le Bel inconnu, Durmart le Gallois, Beaudous, Meraugis de Porlesguez, etc.

Parmi les compagnons d’Artus, celui qui devait devenir le plus célèbre, Lancelot est le sujet d’un poème français que l’on connaît seulement par la traduction en haut allemand qu’en donna vers la fin du douzième siècle un ecclésiastique suisse, Ulrich de Zatzikoven ; on y voit « Lanzelet » épouser, après de grandes aventures qui lui valent le premier rang à la cour d’Artus, la belle Iblis, fille d’Iveret de Behforêt. Mais Lancelot joue également le principal rôle dans la Charrette de Chrétien de Troyes, où il va chercher et conquérir la reine Guenièvre ravie par Méléagant qui l’a emmenée au royaume de Gorre, le pays d’où nul Breton ne peut revenir. C’est donc Chrétien qui, le premier à notre connaissance, a rattaché au cycle d’Artus ce mythe très ancien qui était devenu chez les Grecs