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ÉCLAIRCISSEMENT

Gaufrey de Monmouth et Wace, sans doute, que les trouvères français cherchèrent son histoire. Pourtant nous ne savons pas ce qu’ils empruntèrent aux conteurs armoricains ou gallois, qui comme eux allaient de cour en cour, comme ce Bledhericus (Bleheris, Bleris, Bleri), famosus fabulator, qui vivait au douzième siècle ; ceux-ci devaient être influencés eux-mêmes, selon toute apparence, par le goût de leur public français. Quoi qu’il en soit, nos poètes traitèrent certainement avec une grande liberté cette flottante « matière de Bretagne », la complétèrent, brodèrent d’une floraison d’épisodes nouveaux, civilisèrent, si l’on peut dire, et accommodèrent encore mieux qu’elle ne l’était déjà au goût de leurs compatriotes de France et d’Angleterre. Au total, je crois fermement que, selon le mot de M. Léon Clédat, nos contes « bretons » sont bretons dans la mesure où le Cid est une pièce espagnole. Par leur forme, en effet, ils ne diffèrent en rien des œuvres d’inspiration purement française. Quant au fond, si on les compare entre eux, on voit que les héros qui y portent les mêmes noms n’y ont ni les mêmes caractères ni les mêmes aventures, ce qui laisse supposer que la part d’invention de chaque trouvère est très grande ; et d’autre part ces héros sont des chevaliers et des dames en tout semblables à ceux des autres romans français du même temps. Tout porte à croire que les trouvères n’ont hérité des traditions proprement celtiques que des noms