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ÉCLAIRCISSEMENT

son neveu, à qui il avait confié son royaume et sa femme, s’est fait élire roi, puis a épousé la reine Guanhumara ; à la nouvelle de cette trahison, Artus revient, vainc et tue Mordret, et, blessé à mort, s’embarque pour l’île d’Avalon. À tout cela, Wace ajoute divers détails : c’est lui qui nous parle de la Table ronde, par exemple, dont Gaufrey ne disait rien. Encore une fois, le folk-lore celtique paraît dans tout cela accommodé au goût français.

Pouvons-nous nous faire une meilleure idée de ce qu’étaient les véritables chants bretons par les poèmes de Marie de France ? Cette femme entreprit vers 1175 de transporter dans notre langue divers lais gallois et armoricains. Elle n’a pas grand talent et paraît aussi dénuée d’invention que possible : ce qui fait le mérite de ses ouvrages, c’est la seule grâce de leurs thèmes ; aussi peut-on penser qu’elle n’a guère déformé ses modèles ; peut-être même, en les mettant en vers français, n’avait-elle d’autre dessein que d’aider la mémoire des jongleurs celtes qui jargonnaient en langue d’oil aux cours normandes. En ce cas, c’est donc que la littérature orale des Bretons avait beaucoup évolué, car les lais de Marie ne ressemblent en rien à ce qui nous en est resté par ailleurs : ce sont d’assez brefs contes d’amour, à la française, sans brutalité, voire fort polis, dont les héros sont des chevaliers preux, mais sensibles, et des dames courtoises.

Artus y est seulement cité. C’est surtout dans