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LA MORT D’ARTUS

— C’est donc que tu ne l’as pas encore jetée ! Va-t’en, et fais ce que je t’ai commandé : c’est péché que de me tourmenter de la sorte !

Alors le fils de Do, tout honteux, s’en fut au bord du lac pour la troisième fois et il se mit à pleurer quand il tint la bonne lame dans sa main, brillante comme une escarboucle ; pourtant il la jeta aussi loin qu’il put. Or, au moment qu’elle allait toucher l’eau, il vit surgir une main qui la saisit par le pommeau et qui la brandit par trois fois, puis tout disparut sous l’onde. Longtemps il attendit, mais il n’aperçut plus rien que l’eau frissonnante.

— C’est bien, dit le roi quand il connut ce qui s’était passé. Maintenant, beau doux ami, il vous faut partir et me laisser. Et sachez que jamais plus vous ne me verrez.

À ces mots, Giflet eut grand deuil.

— Ha, sire, comment serait-il possible que je vous abandonnasse de la sorte et ne vous visse plus ! Mon cœur ne le pourrait souffrir ! Il me faut vivre ou mourir avec vous.

— Je vous en prie, dit le roi, de par l’amour qui a toujours été entre nous !

Alors, les larmes aux yeux, Giflet le fils de Do s’en fut sur son destrier. Et sachez que, lorsqu’il fut à un quart de lieue, il commença de pleuvoir si merveilleusement qu’il dut s’abriter sous un arbre. Mais, l’orage passé, regardant vers la mer, il vit approcher une belle nef, toute