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L’ÉPÉE MARMIADOISE

renges, tu vas perdre ton maître et droit seigneur ! Seul, Lancelot serait digne de te porter. Ha ! plût à Jésus-Christ qu’il pût t’avoir : mon âme en serait plus aise !… Giflet, derrière cette colline vous trouverez un lac : allez y jeter mon épée.

— Sire, je ferai votre commandement. Mais il vaudrait mieux, si tel était votre plaisir, que vous m’en fissiez don.

— Non, répondit le roi.

Giflet prit l’épée ; mais, quand il fut au bord du lac, il tira la lame pour la regarder, et, à la voir si claire et si belle, il pensa que ce serait trop grand dommage que de la perdre. « Mieux vaut que je jette la mienne et garde celle-ci », se dit-il et, posant Marmiadoise sur l’herbe, il lança sa propre épée dans l’eau ; après quoi il revint auprès du roi.

— Sire, j’ai fait ce que vous m’aviez commandé.

— Et qu’as-tu vu ?

— Rien que de bon.

— Giflet, tu me peines et chagrines sans raison. Retourne au lac et jettes-y mon épée.

Giflet revint sur ses pas, pensant qu’il noierait le fourreau, mais non la lame. Et ainsi fit-il ; mais, quand il fut à nouveau devant son seigneur :

— Qu’as-tu vu ? lui demanda le roi.

— Sire, rien que de naturel.