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LA MORT D’ARTUS

où il commença de réciter toutes les oraisons qu’il savait ; et sachez que, toute la nuit, il pria Notre Seigneur d’avoir pitié de ses hommes qui avaient été tués.

Au matin, Keu le sénéchal et Giflet entrèrent, désarmés, et voyant son seigneur étendu sans mouvement, les bras en croix, Keu le crut trépassé du siècle. Il se jeta à genoux.

— Ha, roi Artus, s’écria-t-il, c’est grand dommage que tu sois mort !

Mais le roi se souleva et embrassa son sénéchal ; et non point par courroux, mais par angoisse et amour, il le serra si fort sur sa poitrine qu’il le froissa tout et lui creva le cœur. Ainsi l’âme de Keu lui partit du corps ; quand le roi le laissa, il tomba mort.

— Sire, s’écria Giflet, vous avez mal fait !

À ces mots, le roi regarda alentour de lui et, quand il vit Keu gisant, il se mit à pleurer.

— Hélas ! soupira-t-il, la Fortune, qui m’avait été bonne mère et amie jusqu’ici, veut que je passe dans la douleur les dernières heures de ma vie ! Giflet, sellez les chevaux et partons d’ici.

À midi enfin, ils atteignirent le rivage de la mer. Et là le roi Artus descendit, puis il déceignit son épée, la tira du fourreau et, après l’avoir longtemps regardée, il dit tristement :

— Marmiadoise, bonne épée, la meilleure qui ait jamais été, hormise celle aux étranges