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LA MORT D’ARTUS

froissis des épées, les cris, les plaintes, tel était le bruit qu’on n’eût pas entendu Dieu tonnant. Ah ! bien des dames perdirent leurs barons, ce jour-là ! La poussière montait jusques au ciel : le soleil en était obscurci. Chacun se hâtait de venger la mort de son compagnon ; ils se haïssaient si fort qu’il n’en était pas un qui ne souhaitât d’arracher à son ennemi le cœur sous la mamelle. Non, depuis que la chrétienté était venue au royaume de Logres, jamais il n’y avait eu une si mortelle bataille, comme la vraie histoire le témoigne !

À tierce, il ne restait guère que deux mille fer-vêtus dans la plaine : toutes les échelles étaient détruites, hors celle du roi Artus et celle de Mordret qui n’avaient pas encore donné. Le roi fit monter un garçon sur un arbre, et quand il sut que la gent de Mordret était deux fois plus nombreuse que la sienne :

— Ha, beau neveu, s’écria-t-il, Gauvain, plût à Dieu qu’à cette heure vous fussiez à mon côté, avec Lancelot !

Il vint aux compagnons de la Table ronde, dont il lui demeurait une vingtaine, et les pria de ne pas se séparer, mais de combattre ensemble et de garantir l’honneur du royaume du mieux qu’ils pourraient.

— Sire, répondirent-ils, il n’y a personne parmi nous qui ne vous aide jusqu’à la mort.

Alors le roi fit lever son étendard par Keu le