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LA MORT D’ARTUS

lui vint par le travers, la lance basse, et le frappa si durement que le fer parut de l’autre côté et qu’il ne fut pas besoin de médecin : Dodinel tomba mort sur le corps de son compagnon très ancien.

Alors ses gens, qui donnaient la chasse à ceux d’Irlande, abandonnèrent la poursuite et, l’un après l’autre, ils vinrent s’assembler autour de leur seigneur trépassé, tout pleurants et gémissants, de façon que leurs ennemis se remirent et, revenant à eux, les tuèrent pour la plupart. Et sans doute les auraient-ils tous occis, si le vieux roi Carados Biébras n’était accouru à la rescousse avec la troisième échelle.

Tel fut le choc que ceux d’Irlande ne le purent soutenir : ils tournèrent bride à nouveau et vous en eussiez vu plus d’un verser et choir. Mais les barons d’Écosse brochèrent des éperons pour les secourir, et leur sire, qui avait nom Héliade, s’adressa au vieux roi, qu’il reconnaissait à ses armes pour un haut homme. Or, sachez que le roi Carados avait plus de quatre-vingt-dix ans ; mais personne ne le tint jamais pour couard et ses coups d’épée faisaient plier les reins : il ne refusa pas Héliade ; tous deux se heurtèrent de leurs lances aux fers tranchants, et si rudement qu’ils tombèrent navrés à mort ; ainsi ni l’un ni l’autre n’eut l’occasion de railler son ennemi. Des deux parts, leurs hommes s’empressèrent de les secourir,