Page:Boulenger - Romans de la table ronde IV, 1923.djvu/204

Cette page a été validée par deux contributeurs.
201
MORT DE SAGREMOR

voir leurs compagnons si vilainement traités : ils brochèrent leurs chevaux et fondirent comme une tempête. Leur roi s’adressa à Sagremor dont la lance était brisée, et le blessa au côté ; mais, au moment que le roi le croisait, le desréé d’un seul coup d’épée lui fit voler la tête avec le heaume. Néanmoins ceux d’Irlande étaient beaucoup plus nombreux, et tout frais et dispos, comme ceux qui n’ont pas encore donné, en sorte qu’ils tuèrent presque tous les chevaliers de la première échelle ; et dans la mêlée Sagremor fut occis de deux coups de lance par le corps.

Dodinel le sauvage vit cela  ; certes, grand fut son deuil !

— Francs chevaliers, crie-t-il aux siens, ores paraîtra qui preux sera !

Et il s’élance droit comme carreau d’arbalète, suivi de ses gens, écrasant les blessés et les morts, et la terre commence de rougir de sang. Il fendait la presse, tranchant à droite et à gauche si rapidement que trois hommes n’auraient pu mieux faire, lorsqu’il aperçut le corps de Sagremor qu’emportaient des chevaliers irois : aussitôt il fond sur eux et les éparpille à grands coups ; et, ce faisant, il pleurait de douleur, disant :

— Hélas ! je les tue, mais Sagremor ne retrouve pas la vie pour autant !

Et, tandis qu’il gémissait ainsi, un chevalier