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LA MORT D’ARTUS

Ainsi allèrent-ils jusqu’à trois lieues de la ville ; puis le roi et ses gens s’en revinrent avec le peuple, tandis que les dix chevaliers continuaient leur chemin.

Ils chevauchèrent tout le jour, et le soir leur aventure les mena dans un château qui avait nom Beloc. Comme ils entraient avec le cercueil dans la salle du palais, la dame du château leur demanda quel était ce corps et, quand elle le sut, elle courut se jeter sur la bière, criant :

— Ha, messire Gauvain, quel dommage fait votre mort à toutes les dames et demoiselles que vous aidiez et protégiez mieux que tout autre ! Et moi, j’ai perdu le chevalier du siècle que j’aimais davantage, le seul que j’aie jamais aimé !

À ces mots, le sire de Beloc, son mari, fut si irrité qu’il courut prendre une épée et l’en frappa de telle sorte qu’il lui trancha l’épaule et fit entrer la lame d’un demi-pied dans le cercueil.

— Messire Gauvain, mon doux ami, me voilà morte pour vous ! dit-elle avant d’expirer. En nom Dieu, mettez mon corps en terre auprès du sien !

Cependant, les chevaliers qui convoyaient la bière avaient désarmé le brutal et l’un d’eux lui criait en colère :

— C’est grande honte que vous nous faites, sire chevalier, d’occire devant nous cette dame ! Dieu m’aide ! vous vous en souviendrez !