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LA MORT D’ARTUS

de nonnains que ses ancêtres avaient fondée. On lui fit là l’accueil qu’on devait à une si haute dame qu’elle était ; mais, après avoir fait décharger ses sommiers, elle manda les deux pucelles et leur dit :

— Demoiselles, vous partirez si vous voulez ; si vous voulez, vous resterez. Quant à moi, je demeure, car je me veux rendre à Dieu comme les nonnains qui sont céans. Ainsi fit ma mère, qu’on tint pour bonne dame et qui usa dans cette abbaye la fin de sa vie.

Les pucelles répondirent en pleurant qu’elles ne voulaient point la quitter, et, ensemble, toutes trois furent trouver l’abbesse à qui la reine demanda l’habit pour elles.

— Ha, dame, répondit l’abbesse, si messire le roi était trépassé du siècle, nous vous recevrions bien volontiers et vous ferions dame de nous toutes ! Mais il est en vie, et nous n’osons vous garder, car sans faute il nous tuerait et détruirait. D’ailleurs vous ne pourriez sans doute souffrir notre ordre, vous qui avez eu toutes les aises du monde : il est de trop grande peine.

Mais la reine la tira à part et lui remontra que, si l’on refusait de la recevoir et qu’il lui arrivât malheur hors de l’abbaye, le roi ne manquerait pas de s’en prendre aux nonnes ; puis elle lui avoua l’angoisse et la peur qu’elle avait et pourquoi elle désirait se rendre à Dieu : tant qu’à la fin l’abbesse consentit à la garder, disant