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ÉVASION DE LA REINE

donnait l’honneur de la bataille, de manière que tous résolurent de se mettre en marche le lendemain pour aller à la rencontre du roi Artus.


XXXIV


Cependant la reine Guenièvre et ceux de la tour s’étonnaient de voir le siège levé ; mais ils connurent vite les nouvelles. Et la reine, quand elle les apprit, fut ensemble joyeuse et dolente, joyeuse de sa délivrance, dolente parce qu’elle craignait pour sa vie. « Si Mordret est vainqueur, songeait-elle, il reviendra et me tuera ; mais si messire a le dessus, jamais il ne pourra croire que Mordret ne m’a point possédée charnellement, et il m’occira sitôt qu’il me verra. Je prierai néanmoins Notre Seigneur de lui donner la victoire et l’honneur de cette bataille, mais de faire qu’il m’épargne s’il est courroucé contre moi. » Elle passa la nuit à prier de tout son cœur, et le Sauveur l’écouta.

Le lendemain, dès que l’aube eut crevé et que le jour fut né, elle partit de la tour avec ses deux pucelles les plus dévouées et deux écuyers très sûrs qui menaient chacun un sommier chargé d’or et d’argent. Et elle chevaucha tant en leur compagnie qu’elle atteignit une abbaye