Page:Boulenger - Romans de la table ronde IV, 1923.djvu/194

Cette page a été validée par deux contributeurs.
191
DEUIL DU ROI

maintenant te voilà ma marâtre ; toi qui m’avais placé au haut de ta roue, comme en peu d’heures tu la fais tourner et me mets au plus bas ! Ha, Mort cruelle et félone, tu n’aurais pas dû assaillir mon neveu : si je savais que tu eusses quelque champion, je t’appellerais de trahison !

Ce disant, il se frappait la poitrine et s’égratignait le visage de façon que le sang coulait à flots, et tant que les barons, craignant de le voir mourir, l’éloignèrent afin qu’il n’aperçût plus le corps. Cependant, il n’était personne sur les nefs qui ne pleurât et lamentât comme si messire Gauvain eût été son cousin germain, car il était le chevalier le plus aimé de toutes gens ; en vérité, si grande était la plainte dans les nefs, qu’on eût cru que Notre Sire faisait gronder sa foudre sur la mer. Mais le conte laisse à présent ce propos, voulant parler de la reine Guenièvre et de Mordret.


XXXIII


Certes, les assiégés n’eussent point résisté longtemps, tant à cause des perrières et des mangonneaux qui battaient la tour que des assauts de Mordret et de ses gens, s’ils n’eussent point été si preux et vaillants. Cependant