Page:Boulenger - Romans de la table ronde IV, 1923.djvu/191

Cette page a été validée par deux contributeurs.
188
LA MORT D’ARTUS

Plusieurs hauts hommes entendirent ces paroles : ainsi connurent-ils que Mordret était le fils du roi Artus. Cependant le roi faisait crier par toute l’armée qu’on se préparât à partir dès le lendemain, et aussitôt l’on commença de détendre et démonter les tentes et pavillons. Puis il fit accommoder une très bonne litière pour monseigneur Gauvain, car il ne voulait l’abandonner en aucune manière, disant que, si son neveu mourait, il souhaitait d’étre auprès de lui, et que, s’il vivait, il en serait d’autant plus heureux et joyeux. Et, dès que le jour devint clair, l’armée se mit en marche.

Elle chevaucha tant qu’elle parvint au bord de la mer. Le roi fit coucher monseigneur Gauvain dans sa propre nef ; puis les barons embarquèrent avec leurs chevaux et leurs hommes, et, comme le vent était bon, fort et portait bien, les mariniers mirent à la voile.

Peu après, messire Gauvain, qui était tout faible, ouvrit les yeux et murmura :

— Dieu ! où suis-je ?

— Sire, nous sommes sur la mer, répondit un chevalier ; nous regagnons le royaume de Logres.

— Béni soit Notre Sire, puisqu’il lui plaît que je meure en Bretagne la bleue !

— Ha, beau doux sire, pensez-vous donc si tôt mourir ?

— Oui ; sachez que je ne vivrai pas deux