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NOUVELLES DE LA GRANDE BRETAGNE

Messire Gauvain était si mal en point qu’il ne put répondre mot, et, à le voir, chacun se prit à pleurer et à admirer qu’il eût fait, navré de la sorte, une si belle défense contre le meilleur chevalier du monde et qui était dans toute la vigueur de l’âge : car Lancelot n’avait guère plus de cinquante ans en ce temps-là, tandis que messire Gauvain en avait près de soixante-dix.

Toute la nuit, le blessé se plaignit ; on craignait qu’il n’allât pas jusqu’au lendemain. Les mires disaient que les plaies qu’il avait sur le corps étaient tellement horribles qu’ils en étaient tout troublés, qu’ils les soigneraient bien toutefois en y mettant ce qui serait bon pour cela, mais qu’ils craignaient de ne pouvoir guérir la blessure profonde qu’il avait à la tête. En sorte qu’à les entendre, les larmes du roi et de tous ceux qui étaient là coulaient à grosses gouttes jusqu’à terre.

Au matin, un valet entra dans le pavillon : c’était le messager de la reine Guenièvre. Après avoir salué le roi et les prud’hommes, il conta tout ce qui était advenu en Bretagne la grande : comment Mordret s’était fait couronner roi subtilement et avait reçu les hommages de tous, et comme il tenait la reine assiégée dans la tour de Logres.

— Ha, Mordret, dit alors le roi, jamais nul père ne traita son fils comme je ferai, car je t’occirai de mes propres mains !