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LE SAINT GRAAL

il vainquit Crudel et délivra les prisonniers. Après la bataille, ils virent passer un homme qui avait le poing coupé ; l’évêque Josephé l’appela et lui dit de toucher l’écu du roi Mordrain ; et aussitôt que l’homme eut fait cela, il se trouva guéri ; mais la croix disparut de l’écu et demeura marquée sur son bras.

« Peu après, le roi Mordrain commit une grande faute : une nuit, il souhaita si fort de connaître la vérité du Graal qu’il se rendit dans la chambre où le saint vase était gardé, et il venait de soulever la patène, lorsque Dieu lui envoya un ange qui lui perça les deux cuisses d’un coup de lance : depuis lors il vit quelque part en ce monde, aveugle et paralytique, et ainsi sera-t-il jusqu’à la venue du chevalier qui le délivrera. Quand Josephé fut au point de trépasser du siècle, Mordrain, le roi mehaigné, le supplia de lui laisser quelque souvenir de lui. Alors l’évêque traça de son propre sang une croix sur l’écu et promit au roi mehaigné qu’elle demeurerait fraîche et vermeille tant que l’écu durerait. « Et il ne disparaîtra point de si tôt, ajouta-t-il, car nul ne le pendra à son cou qui ne s’en repentisse, avant celui à qui Dieu le destine. Faites garder cet écu au lieu même où Nascien, votre beau-frère, mourra : le bon chevalier désiré y viendra cinq jours après avoir reçu l’ordre de chevalerie. »

Ainsi parla celui qui portait des armes blan-