Page:Boulenger - Romans de la table ronde IV, 1923.djvu/188

Cette page a été validée par deux contributeurs.
185
DÉBONNAIRETÉ DE LANCELOT

À vêpres, les deux chevaliers étaient navrés en tant de lieux, que d’autres à leur place fussent déjà morts. Lancelot frappait encore, mais messire Gauvain, pour durs qu’il eût les os et solides les nerfs, à peine lui restait-il la force de soulever son écu. Voyant cela, le fils du roi Ban recula de quelques pas.

— Sire, dit-il, il serait bien juste que vous me tinssiez quitte, car celui qui appelle de trahison, s’il n’a vaincu avant vêpres, il a perdu sa querelle. Ayez pitié de vous-même !

— Soyez assuré, répondit messire Gauvain, que l’un de nous doit mourir en ce champ.

Ce disant, il saisit Lancelot à bras le corps, mais celui-ci, qui savait très bien lutter, lui fit un tour de genou et l’abattit rudement sur le ventre ; puis il alla devant le roi.

— Sire, dit-il, je vous prie de demander à monseigneur Gauvain qu’il cesse cette bataille, car, si nous continuons, il lui arrivera malheur.

— Lancelot, répondit le roi touché de cette débonnaireté, Gauvain fera comme il voudra ; mais vous pouvez bien laisser le combat, car l’heure de vêpres est passée.

— Sire, si je ne craignais que vous me le reprochassiez, je quitterais ce champ.

— Vous ne sauriez rien faire dont je vous susse aussi bon gré.

— Je m’en vais donc avec votre congé.

— Soyez recommandé à Dieu comme le