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LA MORT D’ARTUS

grandes que, pour peine et travail qu’il ait soufferts depuis le matin, il se sentira aussi frais, aussi léger que s’il n’avait rien fait.

C’est pourquoi, quand messire Gauvain combattait quelque chevalier de grande prouesse, il le pressait et harcelait autant qu’il pouvait jusqu’à midi : à ce moment, il devenait lui-même plus puissant et dispos qu’il n’était au début de la bataille et n’avait pas de peine à outrer son ennemi lassé.

Or, il parut assez qu’il avait ce don le jour qu’il combattit le fils du roi Ban de Benoïc, car à midi il lui courut sus tout soudain et se mit à frapper sur son écu, son haubert et son heaume comme sur une enclume, tant qu’il le blessa en plus de dix endroits. Lancelot se couvrait de son mieux, mais il souffrait beaucoup, et le roi Hector ne put s’empêcher de dire à haute voix :

— Dieu ! qu’est-ce que je vois ! Prouesse, qu’êtes-vous devenue ? Ha, beau sire, êtes-vous enchanté, pour avoir le dessous contre un seul chevalier ?

Ainsi en fut-il jusqu’à l’heure de sixte. Mais, à ce moment, Lancelot qui avait repris son haleine courut sus à son tour à monseigneur Gauvain et commença de le frapper à si grands coups, qu’il le fit chanceler et lui reconquit beaucoup de terrain. Ainsi l’autre se vit bientôt en grand péril de mort : telle était sa détresse que le sang lui coulait de la bouche et du nez.