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LES FAUSSES LETTRES


Je, Artus, roi de Logres, à tous mes hommes salut !

Comme j’ai été blessé à mort par Lancelot du Lac et mes gens occis et défaits, il me prend pitié de vous à cause de l’amour et de la loyauté que vous m’avez toujours montrés. C’est pourquoi je vous prie, pour votre bien et pour la paix de mes royaumes et terres, d’élire roi Mordret que je tenais pour mon neveu, mais qui ne l’était pas. Et je vous requiers aussi, par les serments que vous m’avez faits, de lui donner la reine pour femme : sinon un grand dommage vous arrivera, car, si elle n’est pas mariée, Lancelot viendra vous la prendre de force, et c’est la chose sur toutes dont mon âme serait dolente.


Quand l’évêque eut achevé, Mordret fit semblant de pâmer de douleur et se laissa tomber dans les bras d’un chevalier. Mais la reine, qui croyait que la lettre était vraie, se mit à pleurer et à pousser des plaintes si merveilleuses qu’il ne fut personne qui n’eût pitié d’elle. Et lorsque la nouvelle courut par le palais et la cité, tous, pauvres et riches, commencèrent de mener grand deuil ; jour et nuit, durant une semaine, il n’y eut personne qui ne pleurât : car le roi Artus avait toujours été doux et débonnaire, et c’était le prince du monde le plus aimé du menu peuple.

Cependant, les barons tinrent conseil et ils