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DÉPART DE LA GRANDE BRETAGNE

Alors Lancelot remonta sur son cheval et, suivi des siens, il regagna son château.

Dès qu’il y fut de retour, il appela un sien écuyer.

— Beau doux ami, lui dit-il tristement, prends mon écu et va-t’en à Camaaloth : tu le suspendras dans l’église de monseigneur Saint Étienne le Martyr, afin que ceux qui le verront se souviennent de moi. Car c’est dans cette cité que j’ai reçu l’ordre de chevalerie, et je ne sais pourtant si j’y reviendrai jamais.

Toute la nuit, il mena grand deuil. Mais le lendemain il partit avec sa maison, et ils chevauchèrent tant qu’ils arrivèrent au rivage de la mer. Et quand la nef qui les emportait s’éloigna, vous l’eussiez vu changer de couleur et pousser de grands et merveilleux soupirs, tandis que l’eau du cœur lui coulait des yeux.

— Ha, murmurait-il, douce terre, délectable, débonnaire, joyeuse, plantureuse, bénie sois-tu de la bouche de Jésus-Christ, car mon âme et ma vie demeurent sur toi !

Poussée par le vent, la nef parvint heureusement dans la Petite Bretagne. Et là, le jour de la Toussaint, Lionel fut couronné roi de Gannes et Hector, le même jour, roi de Benoïc par le commandement de Lancelot qui lui céda son héritage. Tous trois employèrent l’hiver à mettre en état les forts châteaux et à les garnir