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COURTOISIE DE LANCELOT

eussiez vus mettre leurs écus peints et vernis devant leur poitrine, brocher rudement des éperons et laisser courre, leurs grosses lances allongées ; et chacun d’eux appuya si bien son coup qu’ils n’eurent ni poitrail, ni sangle, ni arçon d’arrière assez fort pour ne pas rompre : ils volèrent à terre où ils demeurèrent gisants, faisant la nuit du jour. Aussitôt les chevaliers du château d’accourir : sans doute eussent-ils enlevé monseigneur Gauvain, si ceux de Logres ne fussent venus à la rescousse. Et la mêlée dura dans les prés, au bord de la rivière de l’Ombre, depuis l’aube jusqu’à la nuit : sachez qu’au soir il n’était plus une seule armure entière.

Ce jour-là, le roi Artus porta les armes, et certes aucun homme de son âge n’eût fait les prouesses qu’il accomplit, car il avait bien alors soixante et quinze ans. Vers l’heure de none, il rencontra Lancelot et lui courut sus aussitôt, l’épée haute. Lancelot ne voulut pas frapper : il se contenta de se couvrir de son écu, de façon que le coup glissa et tomba sur l’échine de son cheval qui en fut occis. Mais Hector, courroucé de voir son frère à terre, s’élança et, d’un premier coup de taille sur le heaume, il étourdit le roi, puis d’un second le fit choir de son destrier ; après quoi il cria à Lancelot :

— Sire, coupez-lui la tête. Voilà notre guerre finie !