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MESSAGE DE LANCELOT

du monde qu’il avait le plus aimé, qui lui avait fait le plus d’honneur, et qui était à présent son mortel ennemi, il se sentit plus dolent qu’on ne saurait croire. Il appela une pucelle.

— Demoiselle, allez au roi Artus et dites-lui que je m’étonne qu’il ait commencé une telle guerre contre moi. Si d’aucuns lui ont rapporté que je lui ai fait honte avec madame la reine, je suis prêt à prouver par mon corps et mes armes contre deux de ses meilleurs chevaliers que je ne suis pas coupable. Et si c’est à cause de la mort de ses neveux qu’il me guerroie, dites-lui que ceux-là qui furent occis ont eux-mêmes causé leur trépas. Qu’il sache que je suis plus affligé de notre discorde qu’on ne le pourrait penser, et que certes j’aiderai les miens et combattrai les siens de tout mon pouvoir, mais que je le tiens lui-même pour mon seigneur et mon ami, encore qu’il me traite en ennemi mortel.

La demoiselle sortit du château et vint faire au roi son message. Mais, à peine eut-elle redit les paroles de Lancelot, messire Gauvain s’écria :

— Sire, sire, vous seriez honni et votre lignage rabaissé, si vous accordiez la paix à Lancelot après le grand dommage qu’il vous a causé !

— Gauvain, quoi qu’il fasse, Lancelot n’aura jamais la paix de moi ! Dites-lui, demoiselle, que je lui ferai la guerre tant que je vivrai.

— Sire, reprit la pucelle, les sages devins