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DÉLIVRANCE DE LA REINE

Or, au moment que la reine approchait du bûcher ardent, l’on vit soudain s’émietter les derniers rangs de la foule du côté de la forêt ; les gens couraient à toutes jambes, criant : « Fuyez ! fuyez ! voici messire Lancelot qui vient au secours de madame ! » Et, en effet, une troupe de chevaliers arrivaient à toute bride par la plaine, heaumes lacés, lances sur feutre ; et Lancelot galopait en tête, sur un haut destrier pie, plus allant que cerf de lande.

— Ha, traître cœur, cria-t-il à Agravain du plus loin qu’il put, voici votre mort !

Ce disant, il lui courut sus, la lance allongée, et il appuya si rudement son coup que le fer traversa l’écu, le bras, le haubert, le corps et parut outre l’échine, en sorte que le félon tomba mort. Dans le même temps, Hector heurtait Guerrehès ; il lui mit sa lance roide dans la poitrine et l’autre n’eut que faire d’un médecin. Voyant ainsi périr ses frères, Gaheriet, de courroux, abattit deux chevaliers ; mais Lionel, l’abordant par le travers, lui fit voler son heaume du chef, et Lancelot qui passait, fracassant tout, échauffé de colère au point qu’il ne reconnaissait personne, lui fendit d’un seul coup la tête jusques aux dents. Bref, le lignage du roi Ban et du roi Bohor fit ce jour-là tant d’armes qu’au bout de peu d’instants il ne demeura plus en vie, de leurs ennemis, que Mordret et dix chevaliers, lesquels tournèrent bride. Et sitôt