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LA MORT D’ARTUS

Alors le roi Artus prit l’inconnu par la main et le mena à sa place en lui souhaitant l’aide de Notre Seigneur ; puis il donna le signal, et les deux champions volèrent l’un à l’autre droit comme sagettes.

Ils se heurtèrent d’une telle force qu’ils se percèrent leurs écus et brisèrent leurs lances ; mais Mador fut arraché des arçons et tomba lourdement, non sans se meurtrir pour ce qu’il était grand et pesant. Il se releva tôt, étonné d’avoir trouvé son ennemi si roide à la joute ; mais le chevalier aux blanches armes laissa là son destrier, comme celui qui craindrait d’être blâmé s’il attaquait à cheval un homme à pied : tirant son épée et jetant son écu sur sa tête, il courut sus à Mador et lui donna d’abord un merveilleux coup sur le heaume, après quoi il le mena si durement qu’en peu de temps, blessé dix fois, l’autre n’attendait plus que la mort.

— Mador, lui dit-il, tu vois bien que je te tuerai si cette bataille dure encore. Avoue-toi outré avant que pis ne t’advienne : je ferai tant pour toi que madame la reine te pardonnera et que le roi te rendra ta terre.

À cette franchise et cette débonnaireté, Mador reconnut Lancelot.

— Beau sire, prenez mon épée, dit-il en s’agenouillant. Je me rends à merci et ne m’en tiens pas pour honni, car nul ne saurait durer contre le meilleur chevalier du monde.