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LA REINE APPELÉE DE TRAHISON

à si haute voix que tout le monde l’entendit :

— Roi Artus, si tu es loyal comme un roi doit l’être, fais-moi droit en ta cour !

— Dites ce qu’il vous plaira : je vous ferai droit selon mon pouvoir et le jugement de mes barons.

— Sire, reprit Mador en laissant tomber son manteau, j’ai été durant quarante-cinq ans votre homme : je reprends mon hommage et me dévêts de votre terre, car il ne me plait plus de rien tenir de vous. La reine Guenièvre a occis par trahison mon frère Gaheris ; si elle veut le nier, je suis prêt à le prouver par mes armes et mon corps contre tel chevalier qu’elle choisira. Et je vous requiers de me faire justice.

Bien dolent, car il craignait fort pour la reine, le roi la fit appeler devant la cour. Et elle entra dans la salle, dont on avait ôté les tables, le front baissé et faisant bien mine de femme inquiète, escortée à sa droite par monseigneur Gauvain, à sa gauche par Gaheriet, les deux chevaliers les plus prisés de la parenté du roi Artus. Mais, quand le roi lui eut dit que Mador l’accusait d’avoir occis par trahison son frère Gaheris, elle releva la tête et demanda :

— Où est ce chevalier ?

— Me voici ! fit Mador en s’avançant.

— Comment, Mador, vous prétendez que j’ai tué votre frère volontairement ?

— Je dis que vous l’avez fait mourir déloya-