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LE FRUIT EMPOISONNÉ

au roi, qui se signa de surprise, et vint tout courant voir ce qu’il en était, suivi de ceux qui mangeaient en sa compagnie.

— C’est trop de méchanceté, s’écria-t-il d’abord, tandis que plusieurs de ses barons murmuraient :

— La reine a vraiment servi la mort !

Or la reine était tellement étonnée, qu’elle ne savait que penser.

— Dieu m’aide ! fit-elle. Si j’eusse su que le fruit était envenimé, je ne le lui eusse pas offert pour la moitié du monde ! Je ne lui demandai d’en manger avant moi que par débonnaireté.

— Dame, reprit le roi, de quelque façon que vous le lui ayez donné, vous avez fait une vilaine et mauvaise action.

Et il commanda qu’on enterrât Gaheris à grand honneur, comme il convenait à un si prud’homme : en sorte que le corps fut enseveli dans l’église de monseigneur Saint Étienne, qui était la principale de la cité de Camaaloth. Le roi Artus et tous ceux qui étaient à la cour eurent tant de chagrin d’une mort si laide et si vilaine, qu’ils n’en parlèrent qu’à peine entre eux ; toutefois les compagnons de la Table ronde firent graver sur la tombe des lettres qui disaient :


Ci-gît Gaheris le blanc de Kareheu, frère de Mador de la Porte, qui trépassa d’un fruit empoisonné que la reine lui donna.