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LA MORT D’ARTUS

prison durant deux hivers et un été, alors qu’il sortait du Château aventureux, comme le conte l’a dit en temps et lieu. Le roi lui fit la plus grande joie du monde, car elle était sa sœur, fille d’Ygerne et du duc de Tintagel, et il l’avait crue morte et trépassée du siècle. Elle le conduisit dans une chambre où un bain l’attendait, chaud, coulé deux fois, parfumé de bonnes herbes. Et quand les pucelles eurent bien frotté le roi, elles lui passèrent une robe d’écarlate et le ramenèrent dans la salle tendue de draps de soie et jonchée de menthe et de glaïeuls, où elles le firent asseoir dans une très belle et riche chaire devant la table mise. Chacun y prit place, puis on donna à laver et deux belles dames vinrent tenir les manches du roi ; après quoi les demoiselles commencèrent d’apporter les mets, dont il y avait une telle abondance qu’on eût cru que tout avait été prévu depuis un mois ; et aussi bien cela se peut-il, car Morgane était savante en nigromance. Quant à la vaisselle d’or et d’argent, tout le trésor de Logres n’en eût pas fourni davantage. Et à la fin on apporta un grand pâté d’où, sitôt qu’un écuyer y eut mis le couteau, s’échappèrent une multitude d’oiselets sur lesquels on lâcha des émerillons. Si bien que le roi ne cessait de se demander d’où tant de richesses pouvaient être venues à sa sœur.

Quand il eut bu et mangé autant qu’il lui plut,