Page:Boulenger - Romans de la table ronde IV, 1923.djvu/111

Cette page a été validée par deux contributeurs.
108
LA MORT D’ARTUS

moins prisé que vous : c’est l’un des plus prud’hommes du monde !

Messire Gauvain fut très chagriné de se voir si fermement éconduit.

— Par courtoisie, demoiselle, faites que l’on puisse savoir s’il est meilleur que moi aux armes. Et, du moins, dites-moi son nom.

— Sire, pensez-vous que je risquerai de faire mourir l’un des deux meilleurs chevaliers du siècle en vous laissant combattre corps à corps ? Quant à son nom, je ne le sais point, mais vous pourrez voir son écu, car il est pendu dans la chambre où vous coucherez.

Aussitôt messire Gauvain se leva et, prenant Passerose par la main, il rentra au logis, suivi des autres, qui s’étaient mis debout en même temps que lui, par déférence. Et, dès qu’il eut jeté les yeux sur l’écu pendu à la muraille de sa chambre, il reconnut que c’était celui de Lancelot. Aussi dormit-il peu, tant il pensait aux amours de son ami. « J’aurais cru, se disait-il, que Lancelot eût mis son cœur en quelque lieu plus haut. Mais on ne peut le blâmer d’aimer cette demoiselle, car elle est si belle et avenante que le cœur le plus noble est avec elle bien employé. »

Au matin, quand le roi lui eut mandé qu’il était temps de partir, il alla prendre congé du vavasseur, puis il vint trouver la pucelle.

— Demoiselle, ne vous souciez de rien que