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GAUVAIN ET LA DEMOISELLE D’ESCALOT

— Sire, lui demanda-t-elle, le tournoi a-t-il été bon ? Qui en a mérité le prix ?

— Demoiselle, c’est un chevalier nouveau dont je souhaiterais d’avoir la prouesse, le plus prud’homme que j’aie vu depuis longtemps. Mais tant y a que je ne sais comment il se nomme.

— Quelles armes portait-il ?

— Rouges, et sur son heaume une manche de dame ou de demoiselle. Si j’étais femme, je voudrais que cette manche eût été mienne, et que celui qui la porte m’aimât d’amour ; jamais on ne vit de manche mieux employée !

Après souper, le sire d’Escalot mena ses hôtes s’ébattre au verger qui était derrière la maison. Là, messire Gauvain le fit asseoir à sa droite, entre lui et Gaheriet, et Passerose à sa gauche ; et Gaheriet, qui voyait bien que son frère souhaitait de parler seul à seule à la pucelle, prit le vavasseur à part, de manière que messire Gauvain mit en paroles la belle et ne tarda guère à la requérir d’amour.

— Ha, messire Gauvain, ne vous moquez pas de moi ! répondit-elle ; vous êtes un trop haut et riche homme pour aimer une pauvre demoiselle comme je suis. Et, d’ailleurs, m’aimassiez-vous au point que le cœur vous en crevât, ce serait peine perdue, car j’ai donné le mien à un chevalier ; dès que je le vis, mon âme s’enfuit vers lui, et, par Dieu ! il n’est pas moins vaillant ni