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LA MORT D’ARTUS

Et, cette nuit-là, les compagnons de la Table ronde parlèrent beaucoup du nouveau chevalier qui avait tout vaincu.

— Par ma foi, j’ignore son nom ! s’écria Galegantin le Gallois. Mais ce que je sais, c’est qu’il partit du tournoi si mal en point et si sanglant de la blessure que lui avait faite Lionel, qu’on eût bien pu le suivre à la trace.

Le lendemain, le roi Artus quitta Winchester avec ses barons, et il alla coucher au lieu où il avait naguère reconnu Lancelot. Il s’hébergea au château ; mais messire Gauvain avec ses frères et ses gens descendit chez le vavasseur d’Escalot. Et, comme il y resta pour souper au lieu d’aller manger avec le roi, il fut servi par Passerose : car sachez qu’en ce temps-là les chevaliers errants étaient toujours servis par quelque gentille femme, s’il en était au logis, et qui jamais ne s’asseyait à table devant qu’ils eussent achevé de manger ; telle était la coutume au royaume de Logres. Or la demoiselle d’Escalot était l’une des plus belles pucelles et des mieux faites du siècle : les cheveux plus luisants qu’un hanap d’or, tressés avec des galons d’or et de soie, la chair aussi blanche et tendre que la neige qui tombe, les yeux brillants comme ceux d’un faucon de montagne, mais riants ; de sa beauté, la salle était tout illuminée ! Et messire Gauvain la regardait avec tant de plaisir qu’il oubliait presque de souper.