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LA MORT D’ARTUS

fit passer par-dessus la croupe de son destrier, après quoi il changea de bouclier. Et Lancelot, qui, à cause de cela, ne reconnaissait pas son frère, lui courut sus et l’abattit. Ah ! Lionel au cœur sans frein fut bien marri de ce coup-là ! Il voulut venger son cousin : et de fendre la presse, frappant comme dix hommes, arrachant les écus des bras et les heaumes des têtes ; puis, quand il fut proche du chevalier à la manche, il prit de son écuyer une lance courte, roide et grosse, et fondit sur lui comme un émerillon. Si rude fut le choc que les deux destriers plièrent, et sachez que l’acier de Lionel traversa l’écu et le haubert, et perça la chair tendre, mais dans le même temps les sangles et le poitrail de son cheval rompaient, tant Lancelot avait appuyé son coup, si bien qu’il vola à terre, la selle entre les cuisses.

Telle fut la prouesse du chevalier à la manche et messire Gauvain la vit de la grande tour de la ville où il était auprès du roi, car son oncle lui avait défendu de prendre les armes ce jour-là : il savait bien, en effet, que Lancelot viendrait au tournoi et il craignait, si tous deux joutaient, que le vaincu ne gardât rancune au vainqueur.

— Par mon chef, s’écria messire Gauvain, ce nouveau chevalier aux armes vermeilles, qui porte une manche de dame sur son heaume, n’est pas un des frères d’Escalot : jamais aucun d’eux ne frappa de tels coups ! Dieu m’aide !