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LE DON À LA DEMOISELLE D’ESCALOT

du monde, et sachez que tant plus elle regardait Lancelot, tant plus elle le trouvait beau et le jugeait prud’homme. Durant qu’il causait avec son père, elle s’approcha de l’écuyer et lui demanda le nom de son seigneur. Le valet ne l’éconduisit pas tout à fait : elle était si avenante que toute dureté envers elle eût semblé une vilenie.

— Demoiselle, lui répondit-il, sachez que messire est le meilleur chevalier du siècle : c’est tout ce que je puis vous apprendre sans lui désobéir.

— C’est assez, valet : me voilà satisfaite.

Et aussitôt elle fut s’agenouiller devant Lancelot.

— Gentilhomme, par ce que vous aimez le plus au monde, octroyez-moi un don !

— Ha, demoiselle, levez-vous ! Il n’est rien que je ne fasse pour vous.

— Cent mille mercis, sire ! Je vous requiers donc de porter ma manche à votre heaume ou à votre lance en guise de pennon, et de faire beaucoup d’armes pour l’amour de moi. Et sachez que vous êtes le premier chevalier à qui j’aie réclamé un don ; je ne l’eusse pas fait, ne fût la grande valeur qui est en vous.

Lancelot fut dolent de cette demande, car il savait bien que, si jamais la reine apprenait cela, elle lui en saurait mauvais gré. Toutefois, il lui fallait tenir sa promesse, quoi qu’il advînt : il