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PASSAGE DU SAINT-GRAAL

qui ne le tint pour son maître, car ils pensèrent que cette grâce lui était accordée par la volonté de Notre Sauveur. Mais quelle fut la joie de Lancelot, lorsqu’il reconnut que ce damoisel n’était autre que son fils Galaad !

— Roi, disait le vieillard, aujourd’hui tu obtiendras le plus grand honneur qui ait jamais été accordé à aucun roi de Bretagne : et sais-tu lequel ? Le Saint Graal entrera dans ta maison et rassasiera les compagnons de la Table ronde.

Là-dessus, il sortit par la grande porte qui pourtant était close, et sachez que jamais personne ne le revit plus. Mais, à peine eut-il disparu, un coup de tonnerre éclata, puis un rayon de soleil traversa les verrières, qui fit tout paraître deux fois plus clair dans la salle : ceux qui étaient là en furent illuminés comme de la grâce du Saint Esprit ; toutefois ils sentirent en même temps qu’ils étaient devenus aussi muets que les bêtes. Et voici qu’un vase en forme de calice apparut, caché sous un linge blanc, et qui semblait flotter dans l’air, car nul ne pouvait apercevoir qui le portait. Et aussitôt que ce très saint vase fut entré, le palais s’emplit de parfums, comme si l’on y eût répandu toutes les bonnes épices du monde. Et à mesure qu’il passait devant les tables, celles-ci se trouvaient chargées des viandes les plus exquises ; chacun eut devant soi justement celles qu’il désirait. Puis, quand tout le monde fut servi de la sorte, le vase s’en