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BOHOR ET LA FILLE DU ROI BRANGORE

cet anneau, qu’elle vous requiert de porter en souvenir de votre méfait.

Bohor passa l’anneau à son doigt. Aussitôt son cœur changea : jusque-là il avait été chaste et de froide nature ; sur-le-champ il sentit ce qu’il n’avait jamais éprouvé : tel était le sortilège de cet anneau.

— Pour Dieu, dame, qu’elle prenne de moi une aussi haute vengeance qu’elle voudra ! Il n’est rien que je ne fasse pour être pardonné.

— Par ma foi, le mieux est que vous alliez lui crier merci !

Bohor passa un manteau sur sa chemise et ses braies, et la vieille le conduisit près du lit de la fille du roi, qui en le voyant se mit sur son séant.

— Sire chevalier, dit la nourrice, pour amende vous demeurerez en ce lit toute la nuit. Et vous, demoiselle, ne le refusez point comme vôtre.

Là-dessus, la vieille s’en alla et ferma la porte. Et ainsi furent unis un fils et une fille de roi, car Nature leur apprit ce dont ils n’avaient jamais rien vu ; et les fleurs de virginité furent cueillies. Mais Dieu ne voulut pas que leur pureté fût corrompue sans résultat ; et comme le tâcheron ne peut donner à sa vigne que la façon, eux, de même, ils ne purent fournir que cela : c’est Notre Sire qui mit le fruit, et rarement on en vit un plus haut sortir de deux si jeunes gens, car, par la grâce et la volonté divines, la