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LE CHEVALIER À LA CHARRETTE

Et, tout en disant ces mots, il soulevait bellement le haubert de son vainqueur pour lui bouter son épée par le ventre. Ce que voyant, Lancelot haussa la sienne et d’un seul coup lui fit voler la tête.

Comme il essuyait sa lame toute souillée de sang et de cervelle, Keu le sénéchal courut lui ôter l’écu du col.

— Ha ! sire, dit-il, vous avez bien montré, ici ou ailleurs, que vous êtes la fleur de la chevalerie terrienne.

Ensuite vint le roi Artus, qui accola Lancelot tout armé comme il était et voulut délacer lui-même son heaume. Puis messire Gauvain arriva, avec la reine plus heureuse que femme ne le fut jamais, et tous les autres barons.

Le roi commanda de dresser les tables, et sachez qu’il octroya à Lancelot un honneur qu’il n’avait jamais accordé à nul chevalier, pour haut homme qu’il fût : car il le fit asseoir tout à côté de lui, sur son estrade. Et certes il était arrivé qu’il y fît siéger quelque chevalier vainqueur au tournoi ou à la quintaine, mais non pas si près de sa personne. Telle fut la place de Lancelot, ce jour-là, par la prière du roi Artus et le commandement de la reine sa dame, et il en était tout confus.

Lorsqu’ils eurent mangé leur content, les chevaliers s’en retournèrent à leurs logis ; mais le roi retint Lancelot et le fit asseoir à une