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VICTOIRE DU CHEVALIER CHARRETTÉ

— Sire, cria-t-il à Sagremor, dites au roi que j’ai maintenant un destrier de plus.

— Comment ? Vous ne voulez pas continuer ?

— Nenni. Et si j’en faisais davantage, je ne pense pas que vous y gagneriez rien, car je suis à cheval et vous à pied.

Sagremor s’en retourna, tout honteux, et Lucan le bouteillier s’élança ; mais il fut abattu de même, et l’étranger s’empara de son destrier en le priant de dire au roi qu’il avait, grâce à lui, un nouveau cheval. Et sachez qu’il en fut pareillement de Bédoyer le connétable, de Giflet fils de Do et de Keu le sénéchal, sauf que celui-ci culbuta au beau milieu du gué, où il but un bon coup d’eau. Tous revinrent à pied vers le roi, qui, humilié, s’en prit du tout à son neveu. Mais messire Gauvain se contenta de lui répondre :

— Bel oncle, il n’y en a ainsi que plus de honnis.

Là-dessus, le nain reparut avec sa charrette ; mais elle portait cette fois une demoiselle voilée qui parla comme il suit :

— Roi Artus, on m’avait dit que tous les déconseillés trouvaient ici bonne aide ; mais il paraît que ce n’était pas vrai : un chevalier s’en est retourné sans que personne des tiens eût consenti à monter en charrette pour lui. Vous en avez plus de honte que d’honneur, puisqu’il emmène six chevaux malgré vous.