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LE CHEVALIER CHARRETTÉ

et cela lui rappela l’aventure de Lancelot : « Maudits soient les charrettes et celui qui les inventa ! » s’écria-t-il. Comme il prononçait ces mots, la voiture entra dans la cour, et le charretté en descendit et vint demander place à table ; mais nul ne voulut de lui pour voisin : on lui dit qu’il ne lui convenait pas de s’asseoir avec des chevaliers, ni même avec des écuyers, et il lui fallut s’accroupir sur le seuil de la porte pour manger. Toutefois, messire Gauvain vint à lui et déclara qu’il lui ferait compagnie, puisque, tout charretté qu’il fût, il n’en était pas moins chevalier. Ce que voyant, le roi manda à son neveu qu’il se honnissait, d’agir ainsi, et qu’il déméritait de son siège à la Table ronde.

— Si l’on est honni pour être allé en charrette, c’est donc que Lancelot l’est, fit simplement répondre monseigneur Gauvain.

Et le roi fut très étonné.

Quand il eut mangé, le chevalier remercia monseigneur Gauvain et sortit sans que personne prît garde à lui. Il alla s’armer dans un petit bois voisin où un écuyer l’attendait ; après quoi il fut s’emparer dans l’étable du roi d’un très bon cheval, tout sellé, et, ainsi monté, il revint dans la cour, devant la porte de la salle, qui était ouverte, et cria :

— Roi Artus, si quelqu’un trouve mauvais que messire Gauvain ait mangé avec moi, qu’il