regardant la campagne, il vit venir une charrette attelée d’un cheval dont on avait coupé la queue et les oreilles, conduite par un nain à grande barbe et à grosse tête, et où était un chevalier en chemise sale et déchirée, qui avait les mains liées derrière le dos et les pieds enchaînés aux brancards ; son écu sans armoiries était suspendu sur le devant, son haubert et son heaume derrière ; et son cheval blanc comme la neige, tout bridé et sellé, était attaché à la voiture. La charrette entra dans la cour et le chevalier s’écria :
— Ha, Dieu ! qui me délivrera ?
Par deux fois, le roi Artus demanda au nain quel forfait ce chevalier avait commis ; par deux fois, le nain lui répondit :
— Le même que les autres.
Alors le roi demanda au chevalier charretté comment il pourrait être délivré.
— Par celui qui montera où je suis.
— Vous ne trouverez pas cela aujourd’hui, beau sire !
— Tant mieux ! fit le nain.
Et la charrette continua son chemin par les rues de la ville, où chacun hua le chevalier à qui mieux mieux et lui jeta de vieilles savates et de la boue.
Cependant, le roi s’était mis à son haut manger. Messire Gauvain descendit des chambres de la reine : on lui apprit ce qui venait de se passer,