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LE CHEVALIER À LA CHARRETTE

en route ; mais, comme il approchait du pont Sous l’Eau, les gens du pays s’emparèrent de lui par surprise, croyant bien faire. Et tandis qu’ils le ramenaient à la cour, les pieds liés sous le ventre de son cheval, la nouvelle y arriva qu’il avait été tué. Lorsqu’elle apprit cela, la reine tomba pâmée : « C’est moi qui lui ai donné le coup mortel, pensait-elle : lorsque j’ai refusé de lui parler, ne lui ai-je pas ôté le cœur et la vie ensemble ? Ha ! que ne l’ai-je tenu dans mes bras encore une fois ! » Elle se mit au lit, et le conte dit qu’elle demeura trois jours et trois nuits sans boire ni manger : le bruit courut qu’elle était morte.

La nouvelle en vint à Lancelot, de sorte qu’il prit sa propre vie en dépit : peu s’en fallut qu’il ne s’occît. Heureusement le roi s’était hâté de chevaucher à sa rencontre pour le faire délivrer : il lui conta la grande douleur que la reine avait soufferte lorsqu’elle l’avait cru tué ; en apprenant cela Lancelot eût volé, tant le bonheur le faisait léger. Et, lorsqu’elle sut qu’il était sain et sauf, la reine à son tour fut heureuse au point qu’elle se trouva guérie sur-le-champ.

Dès qu’il fut arrivé au château, le roi Baudemagu conduisit Lancelot dans sa chambre et, cette fois, elle n’eut garde de lui refuser ses yeux ! Le roi s’assit avec eux un moment, puis, comme il était sage, il annonça bientôt qu’il allait voir comment se portait Keu le sénéchal.