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« TELS SONT GUERREDONS DE FEMME »

mena dans la chambre où gisait Keu, toujours blessé ; puis il s’éloigna pour les laisser causer en liberté.

— Bienvenu soit le sire des chevaliers, s’écria le sénéchal, qui a achevé ce que j’avais follement entrepris !

Lancelot lui raconta comment la reine l’avait maltraité en présence du roi et de tous les barons.

— Tels sont guerredons de femme, dit Keu. Et pourtant quelles larmes elle a versées quand Méléagant l’a emmenée ! Dès la première nuit, il voulait coucher auprès d’elle, mais elle lui dit qu’elle n’y consentirait jamais tant qu’il ne l’aurait pas épousée. Et quand le roi vint à notre rencontre, elle se jeta aux pieds de son palefroi en pleurant et criant ; mais il la releva et lui promit bonne et douce prison, et jamais, depuis lors, il n’a permis que son fils eût madame sous sa garde. Méléagant la réclamait toutefois à cor et à cris, si bien que je n’ai pu m’empêcher de lui dire, un jour, que ce serait trop grand dommage, si elle passait du plus prud’homme du monde à un mauvais garçon. Pour se venger, il a fait mettre traîtreusement sur mes plaies, au lieu des emplâtres propres à les guérir, des onguents qui les ont envenimées.

Quand ils eurent assez causé, Lancelot déclara qu’il était résolu de partir le lendemain en quête de monseigneur Gauvain. Dès l’aube, il se mit