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LE CHEVALIER À LA CHARRETTE

deux sangliers. L’un est vite, et l’autre plus vite encore : ils se frappent de tant de coups pressés et pesants, qu’ils dépècent leurs écus, que des étincelles jaillissent de leurs heaumes jusques aux nues, que les mailles de leurs hauberts tombent et qu’à chaque coup saute le sang vermeil. Que de rudes, fiers, longs coups d’épée ! Chacun eût voulu arracher à l’autre le cœur sous la mamelle. Bientôt le sang de Méléagant rougit son haubert blanc, mais Lancelot souffre de ses mains blessées. À la fenêtre, la reine s’aperçoit qu’il faiblit.

— Lancelot, Lancelot, est-ce bien toi ? murmure-t-elle.

Une pucelle, qui était auprès d’elle, entendit cela : elle se pencha et cria si haut que tout le peuple l’ouït :

— Lancelot, retourne-toi, regarde qui s’émeut ici pour toi !

À cause de la chaleur et de son grand émoi, la reine venait d’écarter son voile et Lancelot, levant les yeux, aperçut tout à coup ce qu’il désirait le plus voir au monde. Il en fut tellement troublé qu’il s’en fallut de peu que son épée ne chût ! Et maintenant il ne fait plus que contempler la reine ! Il se laisse tourner et frapper par derrière ; il se garde si mal que Méléagant le blesse en maint endroit !

Mais derechef la pucelle lui cria :

— Lancelot, qu’est devenue ta grande