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LE PONT DE L’ÉPÉE

Elle lui apprit qui elle était et comment elle l’avait suivi à la prière de sa sœur ; et Lancelot reprit sa route, guidé par un valet. Tous deux gagnèrent la chaussée de Gahion. C’était la maîtresse cité du royaume de Gorre, et là se trouvait la tour où la reine Guenièvre était enfermée ; mais, pour y entrer, il fallait passer le pont de l’Épée.


X


Quand il aperçut le pont tranchant, le valet se mit à pleurer de pitié. Lancelot regarda l’épée fourbie, blanche et coupante comme un rasoir sur laquelle il fallait passer ; puis l’eau en amont et en aval, qui était roide, froide et noire. Mais ensuite, levant la tête, il considéra quelque temps la tour où était la reine, et dit :

— N’ayez point souci de moi, bel ami, car je ne redoute guère ce passage ; il n’est pas si périlleux que je pensais. Et voilà une belle tour en face. Si l’on veut m’y héberger, on m’y aura pour hôte cette nuit.

Il fit enduire de bonne poix chaude ses gants, ses chausses de fer et les pans de son haubert, afin d’avoir meilleure prise sur l’acier. Puis il vint droit au pont, regarda encore la tour où la reine était en prison, la salua de la