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LE LIT PÉRILLEUX

moment à une fenêtre donnant sur le jardin ; puis la demoiselle mena Lancelot devant un riche lit, très bien garni de draps blancs et d’une couverture tissée d’or et fourrée de vair qui eût été bonne pour un roi. Là, elle prit le chevalier par la main et, s’asseyant à côté de lui, elle lui dit :

— Bel hôte, vous me devez un don. Je vous demande de coucher cette nuit avec moi dans ce lit.

Ah ! quand il entendit cela, certes Lancelot fut anxieux ! Il ne savait plus que faire.

— Demoiselle, murmura-t-il, demandez-moi telle autre chose que vous voudrez !

Mais il lui fallut tenir son serment. Les chandelles éteintes, ils se couchèrent l’un et l’autre, mais Lancelot n’ôta point sa chemise ni ses braies, et il n’osa tourner le dos à cause de la vilenie qu’il y aurait eu à cela, ni le visage à cause du péril ; mais il s’éloigna d’elle autant qu’il put et resta étendu sur les épaules sans bouger ni mot dire : car il n’aurait su faire beau semblant à la pucelle, n’ayant qu’un cœur, et qui n’était à lui.

— Quoi ! sire chevalier, ne ferez-vous autre chose ? dit-elle. Je pense que ma compagnie ne vous réjouit guère. Suis-je donc si laide et si hideuse ?

— Vous m’êtes laide maintenant, bien que vous m’ayez semblé belle autrefois.