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LE CHÂTEAU AVENTUREUX

rassasia, ce qui lui fit grand bien au corps, car il y avait longtemps que cela ne lui était arrivé ; après quoi le pauvre fol fut se coucher dans une étable, sur un peu de foin, et s’endormit.

Il séjourna ainsi au château tout l’été, l’hiver et encore un été. Les chevaliers du roi Pellès, qui étaient très débonnaires, s’amusaient et riaient des folies qu’ils lui voyaient faire, et souvent, le trouvant si paisible, ils lui donnaient de vieilles robes de sergents et d’écuyers ; mais nul d’entre eux ne se le remît jamais, tant il était changé.

Une fois pourtant qu’il sommeillait dans le verger, la fille du roi, qui jouait avec ses demoiselles, vint se cacher justement au lieu où il était, et, voyant un homme endormi, elle eut peur tout d’abord ; mais elle se prit ensuite à le regarder, et de plus en plus attentivement, tant qu’enfin elle le reconnut. Aussitôt elle dit à ses pucelles qu’elle se sentait souffrante et courut trouver son père, plus dolente que femme ne le fut jamais.

— Sire, voulez-vous voir une merveille ?

— Laquelle, ma belle fille ?

— Messire Lancelot du Lac est ici.

— Ici ? Cela ne se peut : Lancelot est mort.

— Venez avec moi : je vous le montrerai.

Le roi considéra longtemps l’homme endormi.

— Dieu ! fit-il enfin, quel dommage ! Mais nous essayerons de le guérir.