Page:Boulenger - Romans de la table ronde III, 1922.djvu/255

Cette page a été validée par deux contributeurs.
249
FRÉNÉSIE DE LANCELOT

ché une lance, une épée et un écu. Aussitôt Lancelot de dégainer l’épée et de frapper à grands coups sur la lance qu’il tranche et sur l’écu qu’il dépèce, faisant autant de fracas que dix gens d’armes au combat.

Au bruit, un chevalier sortit, chaudement botté et vêtu d’une robe d’écarlate bien fourrée, qui, à le voir à demi nu et en si mauvais point, comprit qu’il était en frénésie. « Celui qui le recueillerait et le ramènerait en son droit sens ferait une grande aumône », pensa ce bon seigneur, qui avait nom Bliant, et il courut prendre ses armes pour désarmer le fou sans danger. Mais, quand il s’approcha :

— Sire, laissez-moi faire ma bataille ! lui cria Lancelot.

Et comme Bliant avançait toujours, il lui asséna un tel coup sur le heaume que la lame vola en pièces et que le chevalier s’écroula assommé. Là-dessus, Lancelot jette l’épée, entre dans le pavillon d’où une demoiselle s’échappe en pure chemise et criant d’effroi, saute dans le lit qu’il trouve tout chaud et s’y endort de bien-être aussitôt.

La demoiselle, cependant, délaçait le heaume de son ami.

— Par ma foi, s’écria Bliant en rouvrant les yeux, je ne croyais pas qu’un homme né de femme pût frapper si fort ! S’il plaît à Dieu, je nourrirai et garderai celui-ci jusqu’à ce qu’il