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L’INFIDÉLITÉ DE LANCELOT

par prudence ; et là tous deux firent l’un de l’autre leur joie et leur plaisir, après quoi ils s’endormirent, heureux, l’un d’avoir tenu sa dame (croyait-il), l’autre d’avoir eu celui qu’elle aimait le plus au monde.

La reine, cependant, avait envoyé quérir Lancelot par sa cousine, l’ancienne prisonnière du roi Claudas, à qui elle se fiait autant qu’à elle-même. Mais la pucelle revint dire qu’il n’était pas dans son lit. Après avoir attendu quelque temps, la reine envoya la demoiselle à nouveau ; mais celle-ci eut beau tâter le lit et chercher, elle ne trouva pas Lancelot davantage. Et la reine alors fut si inquiète et dolente qu’à la minuit, n’y pouvant plus tenir, elle se rendit elle-même chez son ami. Elle n’y vit personne, mais elle entendit quelqu’un se plaindre dans la chambre voisine, comme il arrive qu’on fasse en dormant. Elle écouta, reconnut Lancelot, et, sans réfléchir, elle ouvrit la porte, vint au lit, le saisit par le poing :

— Ha ! larron, traître, déloyal, qui devant moi faites votre ribaudie ! Fuyez d’ici et ne reparaissez jamais à mes yeux !

Ce qu’entendant, Lancelot, éperdu de douleur, quitte la chambre sans oser souffler mot, nu-pieds, en chemise et en braies comme il était, gagne la cour, puis le jardin, sort de la ville par une poterne et s’enfuit dans la campagne.