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LE CHEVALIER À LA CHARRETTE

valier, si elle eût été encore plus belle, je m’y fusse couché plus volontiers.

— Venez manger, beau sire, dit seulement messire Gauvain, car l’eau est cornée.

L’étranger répondit à voix basse qu’il n’avait pas faim et qu’il se sentait un peu souffrant.

— Certes, il doit être bien malade, s’écria la demoiselle, et s’il savait ce que c’est que la honte, il aimerait mieux d’être mort que vif. Il est honni et je ne mangerai pas en sa compagnie. Vous pouvez le faire, dit-elle à monseigneur Gauvain, mais vous serez honni comme lui.

Alors messire Gauvain descendit avec elle dans la salle. Mais, quand le repas fut terminé, il demanda ce que le chevalier faisait, et quand on lui eut dit qu’il n’avait rien voulu manger, il revint près de lui :

— Beau sire, que ne vous nourrissez-vous ? Vous n’êtes point de bon sens, car un prud’homme qui aspire à de beaux faits d’armes ne doit pas laisser son corps et ses membres s’appesantir. Par ce que vous aimez le plus au monde, mangez !

Il en dit tant ainsi que l’étranger consentit à se nourrir de ce qu’on lui apporta. Et ensuite il se mit au lit et s’endormit jusqu’au matin.

Quand l’aube creva et que le soleil commença d’abattre la rosée, le nain entra dans sa chambre et se mit à crier :