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LA REINE OUTRAGÉE

à sa pucelle plus de honte que jamais ! Dis-lui que je ne l’aime ni ne la crains, et que je la prise, elle et son bouffon, autant qu’un éperon de fer ! Elle mériterait d’étre brûlée, pour coucher comme elle fait avec celui que je sais, qui est si preux et si vaillant qu’il ne possède pas seulement un pied de terre ! Certes, il sait moins bien jouter contre un chevalier que contre un mouton quand il en a fait cuire l’échine ; après qu’il en a mangé la moitié et qu’il s’est bien lesté de trois hanaps de vin, alors il a outré ses ennemis et il s’entend à blâmer les prud’hommes ! Va-t’en dire à la reine Guenièvre ce que je lui mande.

Le valet retourna à Londres aussi vite qu’il put et, quand la reine connut les paroles de Claudas, elle se dit dans son cœur : « Ha, beau doux ami Lancelot, si Claudas croyait que vous fussiez vivant, il ne serait pas si hardi que de nous faire un tel outrage, à moi et à vous ! Mais, s’il plaît à Dieu, je vous reverrai sain et sauf. » Et, songeant ainsi, elle baisait l’anneau qu’elle tenait de lui.

Après souper et les tables levées, elle dit au roi :

— Sire, il y a très longtemps que vous n’avez donné de tournoi en ce pays : annoncez-en un pour les octaves de la Madeleine, qui ait lieu dans les prairies de Camaaloth. Si Lancelot en entend parler, il y viendra peut-être, ainsi