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LE CHÂTEAU AVENTUREUX

en sorte qu’il ne parvint au château du Tertre qu’à vêpres. Personne n’avait encore osé apprendre au géant l’insulte faite à son écu. Triadan lui répéta les paroles d’Hector et Mauduit demeura longtemps muet de courroux ; enfin, lorsqu’il put parler :

— Triadan, dit-il, où as-tu laissé celui qui m’a tant outragé ?

— À la Basse Fontaine.

— Je ne te tuerai point ; mais tu vivras désormais de telle manière que celui qui t’envoie en aura reproche : choisis de perdre le poing ou le pied.

Vainement, Triadan pria, et supplia : son bourreau répondit qu’à défaut d’un membre, il lui trancherait la tête. Alors le chevalier posa son poing sur un tronc d’arbre et Mauduit le lui coupa sans pitié ; après quoi il demanda ses armes, sauta sur un grand destrier, plus noir que mûre, et dévala le coteau dans la nuit comme un diable.

Apercevant une tente sur le bord du chemin, il s’y rua en tempête, découvrit en l’abattant un chevalier et une demoiselle qui y étaient couchés dans un lit, les décapita d’un seul coup tous les deux, et, après avoir attaché par les cheveux les deux têtes à l’arçon de sa selle, il reprit sa route et ne tarda pas à arriver devant l’arbre où son écu était naguère pendu. Ah ! si vous l’eussiez vu alors rouler des yeux, grincer des dents et